Lettre à Saez

Cher Saez,

Je me présente d’abord, je fais partie de tes premières fan, j’avais 14 ans (j’en ai 30 aujourd’hui) quand j’ai entendu jeune et con pour la première fois et ce fut le coup de foudre. Comme beaucoup d’ados des années 2000, j’étais à fond. J’ai acheté un t-shirt en ton nom. Je connaissais « Jeune et Con » par cœur et j’ai pleuré sur « montée là-haut ». Je sortais de tes concerts le poing levé en chantant  » God blesse, blesse america, inch’allah, inch’allah lala ». Comme une bonne groupie qui se respecte, j’écoutais tes albums pendant des heures dans ma chambre, jusqu’à connaître chaque chanson par cœur (mes parents devenaient dingue). Depuis mes 16 ans, je t’ai vu 7 fois en concert, à chaque fois j’en ressortais heureuse. Comme pour beaucoup d’ados, tu as été un refuge pour moi, tu as sauvé mon adolescence. Tu arrivais à nous toucher avec tes mots, comme personne d’autre. Alors tu n’es pas aimé de tout le monde, mais ça c’est normal, tous les goûts sont dans la nature. Pour moi, avant d’être chanteur/musicien/compositeur, tu es un poète. Un grand poète.

Mais depuis quelques années, j’ai des doutes. Des doutes sur ce que tu écris, sur ce que tu fais. En 2013, quand Miami est arrivé, j’ai déjà eu un petit coup au moral. Tes textes manquaient cruellement de poésie et de saveur. Un album court avec des chansons de 3 minutes même pas.

Saez Performs At Le Zenith In Paris

Ensuite ton manifeste est arrivé, celui qu’on attendait tous comme le Graal. Et là bim du gavage de Saez, quelques textes magnifiques et d’autres qu’on a déjà entendu cent fois venant de toi. Des chansons courtes et répétitives. Ce n’est pas ton style du tout ça ! Normalement avec toi, on met le CD et ça défile, c’est une histoire poétique qui se déploie de morceaux en morceaux, il y a un début et une fin. Ici, on dirait que tout a été fait dans l’urgence et sans cohérence. Heureusement que « Notre dame mélancolie » sauve ton album.

Et puis ton site Culture Contre Culture, où tu demandes à tes fans de sortir 60 euros pour y avoir accès. Franchement ? Toi qui craches contre le système, là tu es bien dedans : du fric pour des poèmes. Bim dans nos faces. Alors oui d’accord, il faut donner de la valeur aux choses. Mais il faut aussi ouvrir la culture à ceux qui n’en ont pas les moyens !

Et là ce soir, le coup de grâce.  J’écoute une chanson de ton prochain album « ptite pute« . Rien que le titre me débecte. Et ton texte, écrit surement en 30 secondes avec une bonne dose de whisky dans le sang. Elle ressemble à tant d’autres que tu as déjà faites. Pitié Damien, change de disque, ça fait des années que tu tiens le même discours. Et c’est de plus en plus vulgaire et misogyne. Tu t’emportes contre les influenceuses d’Instagram, d’accord, je suis d’accord sur le fond tu n’as pas tort, il faut dénoncer tout ça c’est certain. Mais bordel mets-y un peu de poésie. Un peu de ton âme. Fais le correctement MERDE ! Comme tu faisais avant. Avant, on sentait que tu écrivais avec toutes tes tripes. Maintenant, on a l’impression que c’est le whisky et le buzz qui te font vibrer. Car oui, même si tu craches sur les RS on devine rapidement que cette chanson c’est de la promo déguisée. Pour faire s’alarmer toute la toile.

 » Sur les photos, moi j’ai la bouche comme un canard,
Je fais coin-coin tu sais si tu mets les dollars.
J’suis la reine des shampooings, la reine des accessoires,
Bien vendre aux gamins l’ticket pour l’abattoir. »

Et quand je vois ta tracklist j’ai peur, je me dis que le reste de l’album va être dans la même veine, avec des chansons comme « Burqa » « elle aime se faire liker » ou « ma religieuse ».

Et pourquoi toujours les femmes ? Elles t’ont fait quoi pour que tu les attaques comme ça ? Avant tu n’étais que poésie pour elles, maintenant tu leur craches au visage. D’où sort cette haine de vieux réac un peu beauf ? Pourquoi nous, on a évolué et toi tu restes bloqué sur les mêmes trucs ? Ta chanson est une des plus misogynes que j’aie jamais entendu ! Alors tu fais sûrement ça pour faire réagir, faire ta promo en même temps. Et ça fonctionne. Mais je suis pas fan du procédé. Pourquoi cette haine perpétuelle contre « les putes », pourquoi cette obsession ? Ça en devient limite malsain.

Avant j’attendais tes albums avec une impatience de dingue et maintenant je flippe et je sens la déception pointer son nez. Fini, les triples album écrits avec toute ton âme et tes tripes. Maintenant, tu nous vomis des chansons qui se ressemblent toutes.

Putain Damien, comment tu as pu me décevoir à ce point ? Si je pensais vraiment que quelqu’un ne me décevrait jamais c’est bien toi. Je comptais sur toi bordel ! Tu as sauvé mon adolescence ! Grâce à toi je me sentais moins seule, je me sentais comprise ! S’il y a 10 ans on m’avait dit que tu allais écrire « ptite pute » j’aurais rigolé. Où est passée ta poésie ? Où sont passés Usé ? Katagena ? Menacés mais libres ? Le bal des lycées ? Marie ? Surtout Marie !

D’ailleurs, je vais aller l’écouter cette chanson que j’aime tant.

En attendant le 30 novembre pour découvrir ton nouvel album, en espérant que je me trompe.

A la prochaine Damien, et je compte sur toi pour redevenir ce que tu étais ; un putain de poète.

Lisa

Me laisse pas, Marie
Dans ce triste bistrot
Au milieu des tempêtes
J’ai trop mal à la tête

Me laisse pas, Marie
Entouré de cadavres
Enterré d’horizons
Qui ressemblent à des murs, elle est où l’aventure?
Elle est où l’aventure?

Dis pas qu’c’est fini, Marie
Qu’on a plus rien à s’dire
Que c’est tanpis
Qu’y a plus rien à écrire
Qu’y a plus rien à s’aimer
Plus rien à découvrir

Que t’as perdu l’envie Marie
Et qu’t’as l’envie d’t’enfuir
Qu’t’as perdu le sourire, que t’as plus qu’des soupirs
Ca s’perd pas le sourire

Ca s’oublie seulement
Puis ça reviens un jour
Avec le temps

T’es trop jolie, Marie
Bien plus jolie que Paris, Marie
Bien plus belle que la nuit
Plus jolie qu’Arletty
Plus jolie qu’les enfants du paradis

Puis t’es si bonne, Marie
Avec tes seins qui pointent
Comme les cathédrales, on dirait Notre-Dame
On dirait les pyramides

Mais j’suis pas pharaon tu sais
Moi j’fais que des chansons pas gaies
Et tu le dis si bien
Que c’est pas un métier
De chanter l’horizon
Puis qu’il faut une maison, y’a pas besoin de maison

Quand on a l’horizon

Et si tu veux, Marie
J’me trouverai un boulot
J’srai banquier s’il le faut
Et j’te gagnerai du fric

Et on ira en Amérique
Dans la cale d’un bateau
Clandestins, réfugiés
Voler jusqu’à Broadway

Parce que t’aimes bien danser
Parce que j’aime bien chanter
Parce que j’aime regarder
Ta jupe qui fait tourner
Mon monde entier
Dans la ville aux lumières
Sûr qu’on pourra se refaire
De l’amour à bouffer nos coeurs en entiers

Me laisse pas Marie
Le bistrot va fermer
Réveilles-toi
Ouais c’est nous les pourris
Ouais c’est nous les maudits
Ouais c’est nous les paumés

Réveilles-toi Marie
Le patron va nous j’ter
Ouais c’est nous les pourris
Ouais c’est nous les maudits
Ouais c’est nous les désespérés

Allez salut Marie
Allez salut Marie
Me dit pas qu’j’suis fini
Que j’suis là comme un con à parler aux statues
Auxquelles j’ai jamais cru

Allez, salut Marie
Allez, salut Marie
Y’a Broadway qui sourit
Dans mon coeur y’a l’envie
Allez salut Marie
Y’a Broadway qui sourit
Dans mon coeur y’a l’envie
Y’a Broadway à Paris
Y’a Broadway à Paris

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10 commentaires

  1. Aïe, c’est vrai qu’en entendant sa nouvelle chanson je me suis dit « Le fond ok mais la forme ce n’est pas possible ! ». J’ai surtout l’impression que l’envie de provoquer l’emmène sur de mauvais sentiers. Là-dessus je te rejoins complètement.
    Pour son site, 60 euros par an c’est pas mal c’est sûr mais je pense qu’il a toujours eu une volonté d’évoluer à part et proposer sa propre offre de streaming avec des contenus supplémentaires, je trouve ça effectivement pas mal et assez cohérent avec le personnage – quand tu sais les quelques nano-centimes que les artistes touchent grâce à une écoute sur Spotify ou Deezer.

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  2. Bonjour,
    Je vois que ce texte a quelques années déjà. Je partage quelques points de vue mais quand même… On parle d’un artiste (un vrai, si rare) qui fait des disques durs, lourds mais aussi très personnel. Il ne faut pas oublier le triple album Paris / l’Alambra / Varsovie. C’est l’œuvre d’une traversée du désert (côté cœur) pour lui. Un tournant aussi.
    Ensuite, le plus important le concernant, lire entre les lignes ! Il n’écrit pas au second ou troisième degré, parfois c’est 8/9/10eme degré…

    Dire que « Notre Dame mélancolie » « sauve » le manifeste ?! Non, je ne peux pas lire ça…(en fait si puisque je l’ai fait^^) Quid de « Ma magnifique »,  » Mandela », « La dame en feu », « L’humaniste », « A tes côtés », « Il s’endort »,  » La Province », « Les enfants paradis », « Ma gueule », « S’ils ont eu raison de nous » et j’en passe mais surtout SURTOUT pour vous Mesdames « Nonne ou Putain », à mon sens la plus belle déclaration d’amour que l’on puisse vous faire.

    Il reste pour moi un artiste passionnant qu’importe les albums, raté ou non. Aujourd’hui rare sont ceux qui ont cette plume, cette sensibilité, ce génie quelque part. Je pourrai également écrire des pages entières sur lui et sur chaque disque.

    Cela dit merci pour ce partage, c’est toujours intéressant de voir l’avis des autres et de plus il est bien écrit. Merci donc pour cela

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